Le Repas des fauves
de Vahé Katcha, Julien Sibre
Mise en scène de Julien Sibre
Avec Cyril Aubin, Olivier Bouana, Pascal Casanova, Stéphanie Hédin, Pierrejean Pagès, Jérémy Prévost, Julien Sibre, Caroline Victoria
2011, au 38 rue des Mathurins, Théâtre Michel, d'un poste TSF, une annonce grésille quelques messages décodés : "Les Français parlent aux Français. Le dromadaire fait du vélo. On a coupé les téléphones. On ne prend pas de photos chez Michel".
1942, Atmosphère, Atmosphère, Paris vit dans une drôle d'atmosphère. L'Occupation allemande est omniprésente à chaque coin de rue. Les nazis font régner l'ordre et sèment la peur dans l'ombre de leur uniforme couleur cynisme. La scène offre la perspective d'un salon cossu, meublé avec goût. Les fenêtres ont été pansées de coupures de presse afin de limiter les impacts des bombes causées pendant les bombardements.Victor Pelissier (Olivier Bouana), libraire et bibliophile réputé pour ses collections, et son épouse Sophie (Caroline Victoria) mènent une existence presque tranquille. Ce soir, diner entre amis pour fêter l'anniversaire de Sophie, ses trente ans. Le cercle de relations, heureux de se retrouver en pareilles circonstances, se compose d'hommes et d'une femme aux profils socio-personnels les distinguant clairement les uns des autres : le docteur Jean-Paul Pagnon (Cyril Aubin) a légitiment soigné l'épouse d'un colonel de la Wehrmacht... en fin de vie, Vincent le professeur de philosophie (Julien Sibre) se pose en personnage énigmatique et féru de savoir en locutions latines, Pierre (Jérémy Prévost) a laissé ses yeux sur le front des hostilités, Françoise (Stéphanie Hédin) une combattante de l'ombre, André (Pascal Casanova), truculent personnage aux mots bien à-propos et doté d'un affairisme aigu avec la puissance ennemie.Ce soir, il n'est pas question de débats politiques, mais plutôt des bas en soie offerts à la maitresse de maison. Une rétrospective d'images de la Seconde Guerre mondiale défile en fond de scène. Le Führer apparaît en public acclamé par une foule en délire dans son pays. A Paris, entouré d'officiers de l'armée allemande, il regarde, l'il corbin, la Tour Eiffel.Après quelques verres d'alcool servis en apéritif, les langues se délient en délire de métaphores, in situ, "avoir une indigestion en période de restriction, ce n'est pas commun"."La présence anglaise ne se remarque pas beaucoup actuellement".La salle rit de ces mots subtils prononcés au temps présent, car dehors la conjoncture vire du conditionnel au subjonctif.Arrêt sur image. Soudain à l'extérieur, le crépitement de détonations blesse la nuit. Les convives se rapprochent prudemment de la fenêtre et remarquent avec stupeur la présence de deux corps inanimés sur le macadam.Un film d'animation en noir et blanc, façon trait de crayon caractéristique et dynamique de Persépolis, montre cet attentat comme un flash télévisé en direct. L'instigateur a pris ses jambes à son cou et son image se noie dans le brou de la nuit. L'agitation se fait grandissante dans la rue. Des bruits de bottes, sans pas cadencés, courent dans la cage d'escalier de l'immeuble bourgeois des Pelissier.Le cercle d'amis demeure coi à l'entrée furibonde d'un officier allemand qui s'annonce d'une voix ferme : "Je suis le Commandant Kaubach", anagramme de Kabauch (une sacrée caboche). Dans un français à la pointe d'accent teutonique, il informe de l'assassinat de deux officiers allemands, abattus dans le dos.Victor Pelissier n'est pas en reste à la vue du Commandant, il le compte parmi ses fidèles clients à la libraire. Très courtoisement, l'officier nazi invite les personnes présentes dans l'appartement à choisir deux d'entre elles comme otages en représailles. Il viendra les chercher avant la fin du repas. Le compte à rebours est enclenché, point de cerise sur le gâteau d'anniversaire. Le dessert sent la poudre.Les yeux hagards des convives manifestent une expression d'incompréhension. La tension est à son paroxysme. La petite et la grande aiguille tournent inlassablement sur d'improbables horloges. Avant les tragiques évènements, les invités se présentaient sous le côté recto de leur personnalité. Bain d'émotions, la scène passe du rire aux larmes, de l'amitié à l'indifférence, de la considération à l'orgueil. Le côté verso de chacun s'étale sur un échiquier où il n'y a ni fou, ni roi, juste des victimes coupables d'être innocentes. Tous les prétextes pour livrer l'autre au Commandant Kaubach se déversent. La scène est en cru, le public bouleversé car intrinsèquement, à la qualité de la mise en scène s'ajoute la valeur de l'interprétation des comédiens.Au chapitre "Un pour tous, tous sauf moi", tous les maux du mal-être défilent sans ponctuation, une rafale de sentiments abjects. Tout le monde pourrait se reconnaître dans la perversité, la mauvaise foi et le manque de dignité manifestés en chacun des protagonistes. Comment réagirions-nous en pareille situation délétère ?Julien Sibre signe une adaptation réfléchie, soignée et respectueuse de l'esprit du roman de Vahé Katcha, publié en 1964. L'auteur éponyme avait l'art et la manière de jeter l'encre, la plus noire possible, dans les nombreux scenarii et récits écrits de sa plume.Ce travail en profondeur, fort d'un succès plébiscité par la fréquentation du public, a puisé son énergie et sa persuasion dans la complicité gravitant entre les comédiens interprétants cette comédie dramatique. Une mention particulière à Pascal Casanova incarnant un André jovial, tactile et dégourdi dans la manière de retourner les situations à son avantage.Autour du Repas des fauves, la musique s'immisce en apportant des touches fraiches et cuivrées de Cotton Club, version Cab Calloway.La réalisation graphique de Cyril Drouin, le trait d'un génie en noir et blanc. Le Repas des fauves de Julien Sibre assisté d'Isabelle Brannens, des comédiens, de Stéphanie Loirat à la création lumière, de Camille Duchemin concepteur du décor, de Louise Rapp et Mélisande de Serres aux costumes, de Hedinski à la musique et de Cyril Drouin à la réalisation graphique, c'est une magnifique page de la tragique histoire de Paris dans les années quarante, mise en Seine, côté scène.Le Repas des fauves au Théâtre Michel, à voir sans ticket de rationnement.
Philippe Delhumeau
14/01/2011
Infos, vidéos sur le site du spectacle : [site] . Vous pouvez aussi découvrir les coulisses du Théâtre Michel ainsi que des interviews des comédiens : [site]
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