Le Porteur d'histoire
de Alexis Michalik
Mise en scène de Alexis Michalik
Avec Amaury de Crayencour, Evelyne El Garby Klai, Magali Genou, Eric Herson-Macarel, Régis Vallée
Alexis Michalik invite le public à voyager dans une histoire extraordinaire où la quête de l'homme se fond entre fiction et réalité.
L'Iliade et l'Odyssée d'Homère, L'Enéide de Virgile,Le Tour du monde en quatre-vingt jours de Jules Verne, Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson de Selma Lagerlof, des histoires qui ont éveillé des appétences à l'évasion, la découverte de nouvelles contrées, la rencontre de personnages improbables. La littérature, une montgolfière portée par des mots, des expressions, des images, lesquels invitent l'imagination à mûrir.L'Orient-Express, un voyage bucolique au cur de l'Europe occidentale jusqu'aux rives du Bosphore. Le luxe permet de s'enivrer des essences de parfums et des épices des pays traversés et d'exister dans un ailleurs qui ne nous appartient pas. De scène en histoire, le théâtre est générateur de liberté, d'audace, de révélation. Alexis Michalik réunit tous ces ingrédients dans la pièce.Le Porteur d'histoire. Il crée une osmose confondant le récit et l'imaginaire. Cette histoire, il en est l'auteur et son luxe, une composition faite pour être partagée. Une musique narrative écrite sur les pages blanches de l'existence et noircies du trait dessiné par des destins inventés respirant de vérité.Quelque part dans la campagne ardennaise, Martin s'apprête à enterrer son père. Le hasard l'a conduit à la découverte d'un carnet manuscrit. Dès l'entame, il comprend que sa vie va basculer et il ne pourra plus en tenir les rênes. Se dévoile sous ses yeux une histoire incroyable mêlée de rencontres et de continents. Bien des années plus tard, une mère et sa fille disparaissent dans le désert algérien.La scénographie, un style épuré composé de cinq tabourets, un portant à vêtements. La musique originale de Manuel Peskine s'articule avec les jeux de lumière d'Anais Souquet. Un comédien s'avance en front de scène et déambule dans le labyrinthe du sens de l'histoire. D'ailleurs, quelle est-elle, à qui appartient-elle ? La réalité transcende la fiction, l'imaginaire défie le temps, les langues se lient et se délient. Les histoires naissent des hommes, le fruit coupé dans son intimité destiné à être mélangé à d'autres fruits. Le nectar du commun des mortels.A l'écriture, Alexis Michalik s'en est amusé en donnant pour prénom aux frères Martin, Henri, "comme au Monopoly" et Martin. Amaury de Crayencour et Eric Herson-Macarel, dans le rôle respectif de Martin et Henri, interprètent deux personnages qui ne s'accordent ni en genre, ni en nom. La répartie est ciselée sur des répliques cinglantes et finement proportionnées.Les cinq comédiens endossent plusieurs rôles imprégnés de traits de caractère et de personnalités aussi diverses qu'intéressantes. Magali Genou passe du t-shirt de Jeanne à la robe empesée de Marie-Antoinette, Evelyne El Garby Klai de la djellaba d'Alia à la robe de Yolande, Régis Vallée de patron de bar en garagiste et se pare avec élégance du costume ecclésiastique de Clément VI, Amaury de Crayencour excelle en Dumas fils et dans les autres personnages incarnés, Eric Herson-Macarel passe du notaire à Polignac avec dextérité.La lumière alterne entre clair-obscur et grand-jour, une façon éponyme de distinguer les protagonistes selon le courant de l'histoire, in situ, et les pays traversés. Le texte se veut fluide et profond, les répliques sont courtes et intenses et l'audace des comédiens s'ajuste à la narration.Le Porteur d'histoire, une pièce qui encense le théâtre comme à l'époque de Jean Vilar et Giorgio Strehler. Il est à imaginer qu'Alexis Michalik avait pensé la mise en scène avant même d'avoir écrit ce récit époustouflant. Une pièce qui sort des sentiers battus, une histoire à couper le souffle, des comédiens excellents, une mise en scène rare et d'une grande intensité, c'est au Théâtre 13 / Jardin.
Philippe Delhumeau
08/09/2012
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