Ma mère qui chantait sur un phare
de Gilles Granouillet
Mise en scène de François Rancillac
Avec Patrick Azam, Anthony Breurec, Antoine Caubet, Riad Gahmi, Pauline Laidet, Françoise Lervy
S’il est de nouvelles écritures théâtrales qui laissent perplexe par le manque d’originalité ou l’inverse à traduire la théâtralité en mode incompréhension, Gilles Granouillet apporte une formule différente de pièce en pièce. Ses textes sont des escales, lesquelles de port en port, de quai en quai, invitent à croiser des destins étranges et anecdotiques.
François Rancillac, un campagnol des champs à ses heures où il dirigeait La Comédie de Saint-Etienne, un campagnol urbain aujourd’hui comme directeur du Théâtre de l’Aquarium. Force d’initiatives et de volonté, il a creusé des galeries sous scène pour monter et montrer la passion qui l’anime depuis ses débuts, un théâtre d’exigence confondu en adaptations et mises en scène. Dans sa besace, il mélange les auteurs et les genres, et il en conserve un secrètement, très certainement par affinité, mais surtout pour l’originalité de ses textes. Zoom sur un homme qui excelle dans la créativité et dont la diffusion ne se limite pas à l’hexagone, mais se traduit en plusieurs langues. Un parcours estampillé de regards dignes d’intérêt portés à l’écriture de Gilles Granouillet, de Saint-Etienne à Craiova, de Kiev à Zagreb, du Luxembourg à Genève, de Montréal à La Cartoucherie. Sa plume dessine des pleins et des déliés dramatiques, lesquels s’écoutent sous la forme de feuilletons radiophoniques sur les ondes de France Culture. De son embarcation, il voit les phares du monde le saluant à ses passages car en marin averti, il évite les écueils et hisse la voile de misaine à contre-courant. Son carnet de bord, des pages noircies d’histoires sombres et extraordinaires où la pudeur et la sagesse ponctuent des existences chavirées entre bonheur et torpeur.Pour illustrer ce portrait de Granouillet, une analogie pourrait être dressée en concordance à Jiro Taniguchi et à Pierre Loti. Extrait d’une interview de l’écrivain Jean-Philippe Toussaint à Jiro Taniguchi, à Tokyo en juin 2008 : "Si j'ai envie de raconter des petits riens de la vie quotidienne, c'est parce que j'attache de l'importance à l'expression des balancements, des incertitudes que les gens vivent au quotidien, de leurs sentiments profonds dans les relations avec les autres", et à une phrase de Pierre Loti extraite de La Mer, une nouvelle publiée chez Calmann-Lévy en 1898 : "La mer ! Il semble que ce mot en lui-même ait quelque chose d’immense, avec je ne sais quelle tranquillité de néant".L’histoire. Dans un village côtier, vivent deux frères, Marzeille et Perpignan. Marzeille a décidé de tuer les chiots de sa chienne. L’intervention spontanée d’une jeune fille venue de nul part enrayera l’initiative du garçon. Perpignan entend la voix de Dieu, laquelle lui annonce que sa mère est en proie à une nouvelle crise. Juchée nue en haut du phare, la perversité des hommes du cru les incite à lui jeter des regards lubriques. Ce jour-là, le destin des deux garçons va basculer d’une étrange façon. La complexité du monde des adultes leur révèlera les limites du difficilement supportable.La scénographie découvre trois grands toiles tendues, lesquelles témoignent de l’évolution des mises en situation successives et paramètrent en intensité les bouleversements de la dramatique. Elles finissent par se décrocher pour échouer sur le sol au fur et à mesure que l’intrigue se démêle. L’espace dévolu permet aux protagonistes de créer une dynamique associée à une gestuelle librement articulée sans être mécanique. Correspondance entre le présent et le néant, Marzeille et Perpignan s’accordent dans un jeu pluridisciplinaire consommé de spontanéité, d’émotions et d’interrogations. Ils dament le destin pour essayer de sauver leur mère prisonnière inconsciente de sa propre condition. La honte porte les fers de l’alcool, la perte de soi conduit à commettre l’irréparable, la faillite du couple s’assimile à une renaissance des deux enfants qui cherchent leur légitimité et recherchent leur liberté. Les propos fusent de monologues en dialogues décousus, l’un et l’autre exultent car les cicatrices sont difficiles à camoufler.Une famille déchirée, ce sont des existences qui se déconstruisent derrière des murs de lamentation et de frustration. Les passerelles établies au rythme de la construction de la famille s’effondrent et de mémoire, subsistent quelques résidus de poussière aspirés par les épreuves du temps.François Rancillac réalise une mise en scène proche du conte initiatique. La subtilité du texte livre en pâture la lâcheté et la méprise des hommes. Les écorchures mettent bas à la douleur, à la révolte, au mensonge et à une certaine forme d’arrogance au moment où le père réapparait après un long silence. Les personnages se croisent sans se voir, se bousculent, s’interrompent comme si leur conscience se rappelait à eux. L’étrangeté des rapports humains vus et revus par deux enfants posent la réflexion sur ce conflit latent qui menace de frapper à toutes les portes, la vulnérabilité du couple.Le texte de Gilles Granouillet est une errance au cur de l’enfance, un voyage sur une mer perturbée par des vents violents. La mise en scène catalyse avec fermeté et discernement les rebondissements et se ponctue avec élégance comme toutes les belles histoires.Ma mère qui chantait sur un phare, une pièce magistrale de Gilles Granouillet, à la baguette François Rancillac, à la partition Patrick Azam, Anthony Breurec, Antoine Caubet, Riad Gahmi, Pauline Laidet, Françoise Lervy. L’année 2013 débute des plus belles manières au Théâtre L’Aquarium.
Philippe Delhumeau
13/01/2013
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