Le Jeu de l'amour et du hasard
de Marivaux
Mise en scène de Philippe Faure
Avec Mahaut d’Arthuys, Jérémie Chaplain, Anne Girouard, Alexandre Lachaux, Charles Joris, François Rabette
Un standard de l’humour
Il faut rendre à Marivaux ce qui appartient à Marivaux : tout ce qui nous séduit dans la pièce jouée en ce moment au théâtre de la Croix Rousse est de son fait. C’est son texte, subtil à souhait, qui nous fait rire. Ce sont aussi les situations qu’il met en place : le quiproquo qui laisse croire à tous les personnages que les maîtres sont des valets et inversement ; les déguisements des uns et des autres, qui les amènent à jouer maladroitement des rôles ; et la duperie de tout ce petit monde. Le comique fonctionne particulièrement bien dans les scènes où les domestiques imitent leurs maîtres ; leur gaucherie et leur excès de zèle pour jouer les grands suscitent un effet burlesque qui ne manque pas son effet sur la salle : les rires fusent.Rendons alors justice aux acteurs : ils interprètent tous leurs rôles à la perfection. Ils savent dire le texte de Marivaux et toucher le spectateur du XXIe siècle. Ils réussissent à rendre naturel le parler du XVIIIe siècle, qui pourrait sembler affecté aujourd’hui. La sobriété du jeu de scène qui accompagne ce texte savoureux ne nuit en rien à ses effets humoristiques. La duplicité du langage subsiste, à peine soulignée par les attitudes des protagonistes. Ainsi Alexandre Lachaux / Arlequin se contente-t-il de quelques gestes bien placés (ou plutôt "mal placés") pour traduire les désirs, très triviaux, de son personnage. Anne Girouard s’en tire tout aussi bien dans le rôle de Lisette, la suivante. Quant aux autres : rien à redire. Mahaut d’Arthuys, François Rabette, Jeremie Chaplain (anciens élèves de l’ENSATT, comme la précédente) et Charles Joris incarnent les héros tels que nous les imaginions à la lecture de Marivaux.Et la mise en scène direz-vous ? Et le travail de Philippe Faure ? Sa discrétion nous inciterait presque à l’oublier : décor unique et dépouillé, lumières sobres signalant simplement les changements d’acte par de légères nuances et jeux d’ombre, musique de fond modeste... Nous lui reprocherions presque un certain "académisme" : tout est bien fait, des décors aux costumes XVIIIe siècle, tout est bien dit, le texte est respecté à la lettre... mais rien de plus. Pas d’innovation, pas de surprise. Le lecteur qui connaît Le Jeu de l’amour et du hasard assiste à la représentation sans étonnement, content mais pas transporté. Voilà le seul reproche que nous pouvons adresser à cette énième reprise d’un standard du théâtre. Mais rendons aussi à Faure ce qui lui est dû : il a su s’effacer derrière Marivaux. La simplicité de sa mise en scène laisse la vedette au texte. Alors, vous qui n’avez pas lu (honte à vous !) ce "classique", ce standard de l’amour, de l’humour et du hasard, allez à la Croix Rousse écouter Marivaux.
Caroline Vernisse
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