Charles Gonzalès devient Camille Claudel
de Charles Gonzalès
Mise en scène de Charles Gonzalès
Avec Charles Gonzalès
Charles Gonzalès redonne vie à Camille Claudel et met en lumière sa correspondance pendant son internement.
C'est l'histoire d'une femme dont on se sait même pas où est la tombe, qu'on disait aimer. Hôpital psychiatrique pendant trente ans et quinze visites de son frère, Paul, ambassadeur, homme de lettres, chrétien. Décédée, enterrée, seule. Lettres interceptées, mère haineuse abîmée dans sa propre histoire. Frustrations vis-à-vis de Camille, destinées à n'engendrer que le mal et la rancune, à rester stériles en générosité malgré des appels pathétiques et répétés. Vipérine jusqu’à sa propre fin, stratifiée dans sa bonne conscience, sa domination familiale et sa peur maladive du qu’en-dira-t-on. Camille Claudel, femme et sculpteur en plein XIXe siècle, trop énergique et trop épuisante par son intransigeance, trop romantique. Surtout trop talentueuse, trop habitée par une vision de la sculpture et une puissance de création. La démesure fait peur. Alors il faut payer ! Pour Camille, pas de doute : le prix fort !Et comme par miracle, Charles Gonzalès offre un grand moment de théâtre au public qui l’écoute pendant une heure trente en retenant son souffle et sa toux, les spectateurs suspendus à ces lettres de Camille adressées notamment à Rodin, ce mentor et ce père symbolique investi à outrance, en réalité dominé, à cet amant aux mots de miel mais aux engagements timorés. La démesure fait peur. Trop de talent, trop d’ouragan, trop de désirs et de libertés ! Trop d’existence ! Alors, le sacrifice ! Le taureau est à tuer !Au fond, à gauche, éclairé sobrement, un arbre très beau, aux ramures lyriques et sculpturales, portant une ombrelle en lambeaux, vestige d’autrefois ou d’un idéal mis en pièces, donne la note. Quelque chose d’En attendant Godot... Un décor minimal loin de tout réalisme qui participe de la scénographie ainsi que la musique. L’orgue en ouverture, une ombrelle rouge, abandonnée, en attente : Camille peut entrer et Charles Gonzalès devenir cette femme, jeune si belle, prématurément vieillie par les tourments et les privations psychiatriques n’ayant plus pour liberté peu à peu que le pouvoir de dire non, l’ironie pathétique, le retrait, le silence. Très respectueuse de la chronologie de la correspondance, la dramaturgie capte l’attention par la présence d’une temporalité très limpide porteuse de l’évolution psychologique de Kmille. Le rythme de l’acteur, très mobile et créatif, renforce la progression du désarroi. Partant du bonheur d’aimer ou de croire l’être, il parvient en souplesse, sans abus de pathos ni de caricature, à la combativité de la femme à la fois trahie par l’amour et, plus âpre encore, soumise au poids de la création d’une œuvre que le monde n’est pas encore prêt à recevoir. Déni sur toute la ligne... Performance d’acteur : Charles Gonzalès devient excessi-ve pour colmater ses peurs. Pressentiment de sa fin ? Un naufragé craignant sa mort, pas encore résigné à s’abandonner à elle ? Charles Gonzalès le donne à voir, maître de tout l’espace d’une scène très adaptée à la pièce favorable à la fois à une vision globale des plans et une intimité avec l’artiste et la tragédie humaine qui se déploie. La mobilité tragique des expressions du visage, la marche constamment cahotante, le corps ployant toujours vers le sol et la chute, constamment dans le déséquilibre, le comédien vit, accompagné d’une bande-son extrêmement soignée mêlant avec science aussi bien Frou-Frou que Bella Bartok, la descente en enfer de cette femme, de cette artiste que la solitude, le manque d’argent, les œuvres tardivement payées par les commanditaires, précipitent vers son seuil de rupture. Mais elle résiste. Ses œuvres sont grandes, son écriture l’est autant, vigoureuse et coulée.Charles Gonzalès remue la salle en osmose, habité par la fragilité de Camomille, sa force, sa révolte permanente, sa dignité jusqu’au bout. Dans ses vêtements de femme, usés, les cheveux en l’air et des sourires à fendre l’âme, il émeut, effraie, touche au plus profond, car, bien au-delà du travestissement, il offre au regard et au cœur de manière immensément juste les torsions, les tensions, les angoisses d’un être que la violence d’une société bornée par sa morale, ses intérêts à courte vue, précipite dans une souffrance indicible que porte la voix du comédien. Charles Gonzalès rejoint ses pairs : Jean–Louis Barrault, Maria Casarès... La voix capable de se mouvoir dans un registre étendu est souple, ses modulations subtiles. La diction parfaite, valorisée par l’excellente acoustique de la salle, mouvante comme peuvent l’être les états psychiques d’un être qui, abattu, peut passer du cri au silence, de la plainte à la prière, à la colère, redonne à chacun le plaisir d’entendre la beauté de la langue. Le public partage alors un long chant triste dont même les vitupérations les plus furieuses, les plus odieuses, sont encore les symptômes du désespoir.L’acteur sert très hautement l’écriture splendide et bouleversante de cette artiste autant par sa profondeur d’homme apparemment instinctif et fin que par sa maîtrise d’acteur et de metteur en scène, concepteur d’images scéniques fortes magnifiées par des jeux de lumières efficaces et raffinées. Un jeu théâtral vivant puissamment émotionnel qui fait ressentir ce qu’endurent probablement encore, chacun à sa manière, des hommes en création partout dans le monde, réprimés par les modes ou les pouvoirs... Un bon peintre est un peintre mort, dit-on parfois ! Cette Camille, tout de même, elle casse ses œuvres ! Ce Vincent, il se coupe l’oreille ! C’est sûr ! Des fous et des originaux !
Marie-José Pradez
09/01/2006
En hommage au peintre René Pradez, un de ses frères de combat, dont l’oeuvre n’accède pas encore à la visibilité publique, son unique vocation, dont pourtant Jean Paulhan écrivait pour partie en se trompant : "René Pradez ne cherche pas la grandeur. Il l’atteint sans efforts et tout innocemment. Je m’assure qu’il ne la laissera pas s’échapper."
PARIS
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