Angelo, tyran de Padoue
de Victor Hugo
Mise en scène de Christophe Honoré
Avec Jean-Charles Clichet, Anaïs Demoustier, Emmanuelle Devos, Marcial di Fonzo Bo, Clotilde Hesme, Julien Honoré, Hervé Lassïnce, Sébastien Pouderoux
Deux femmes aiment le même homme...
Christophe Honoré a choisi de mettre en scène une pièce peu connue du répertoire de Victor Hugo, un drame en prose écrit en 1835. Dans ce mélodrame sentimental, portrait de la condition féminine, deux femmes aiment le même homme. La première, La Tisbe, comédienne de son état et maîtresse d'Angelo, le tyrannique gouverneur de Padoue installé comme podestat par la république de Venise voisine, aime secrètement Rodolfo, qu'elle fait passer pour son frère alors qu'il est son amant. La seconde, Catarina, femme d'Angelo, tenue à l'écart par son propre mari dans ses appartements, rêve, elle, de revoir un jour le jeune homme qu'elle a rencontré quelques années plus tôt dans une autre ville... Rodolfo, évidemment. Et puis, La Tisbe va apprendre que Rodolfo ne l'a jamais aimée puisqu'il est tout pour Catarina. Quant à Angelo, il va découvrir que sa femme a un amant... sans réussir en en connaître sa véritable identité. Jaloux, il va alors décider la mise à mort de Catarina. Et là, coup de théâtre, c’est la Tisbe, prostituée au grand cur, qui va la sauver ! On en était sûr : Shakespeare nous avait déjà fait le coup du faux poison à la Roméo et Juliette !Le metteur en scène cinéaste explique avoir vu, dans cette uvre d'Hugo, une thématique commune avec ses deux derniers longs métrages, La Belle Personne (2008) et Non ma fille tu n'iras pas danser (2009), l'autorité faite aux femmes. Aussi, joue-t-il tout au long de la pièce avec les accessoires du cinéma (micro, projecteurs, perche...), comme un clin d'il au 7e art. Pour les décors, des comédiens les hommes de l'ombre évoluent tout au long de la pièce sur une sorte d'immense échafaudage métallique sur deux niveaux, entrelacé d'escaliers et de passerelles. Mais l'intrigue, elle, se joue tout en bas où deux intérieurs, un salon puis une chambre, coulissent sur des rails pour se positionner au centre de la scène, non sans rappeler les mouvements de travelling du cinéma.Certes, deux heures vingt, c'est un peu long, la pièce n'échappe pas à quelques longueurs. Mais on ressort de là avec une impression de travail bien fait. Les comédiens s'en sortent honorablement, même si, de prime abord, l'accent latin et le phrasé un peu trop saccadé de Marcial Di Fonzo Bo (Angelo) agace : il finira, toutefois, par nous convaincre. D'autant qu'à ses côtés, Hervé Lassïnce campe un Rodolfo magistral, en héros romantique entouré de Clotilde Hesme (La Tisbe) et Emmanuelle Devos (Catarina), toutes deux issues du cinéma. Sujet sensible : le cinéma peut-il raisonnablement s'immiscer de la sorte dans le théâtre ? Le mélange des genres ne fait pas forcément bon ménage, on le sait. Alors ? Au sortir de la représentation, on se dira finalement que Christophe Honoré s'en est plutôt bien tiré, en redonnant un coup de jeune à l'uvre de Victor Hugo.
Mathieu Girandola
15/07/2009
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