La Pitié dangereuse
de Stefan Zweig
Mise en scène de Stéphane Olivié-Bisson
Avec Arnaud Denissel, Maxime Bailleul, David Salles, Roger Miremont, Elodie Menant, Jean-Charles Rieznikoff, Salima Glamine, Alice Pehlivanyan
Le roman de Stefan Zweig reste d’une incomparable modernité. Il emprunte les chemins de la vie en bravant avec fierté les fausses confidences et les préjugés. La profondeur des sentiments s’exhibe sous le couvert de la pudeur et du respect. Elodie Menant a adapté La Pitié dangereuse au Lucernaire et il est certain que la pièce trouvera son public.
L'histoire se situe en 1913 dans une ville de garnison autrichienne. Une soirée dansante est organisée en les salons de la propriété de Monsieur Kekesalva, riche homme d'affaires, en l'honneur de sa fille Edith. Est invité au bal le lieutenant de cavalerie, Anton Hofmiller. Etourdi par la beauté de la jeune femme, il l'invite à danser. Elle le désapprouve par un geste désignant les deux béquilles adossées à son fauteuil. La paralysie n'a pas altéré sa jovialité, le jeune officier succombe au point de la visiter plusieurs soirées durant. Des parties d'échec naissent une profonde amitié, à laquelle succède un sentiment d'amour d'Edith pour Anton. La passion, aura-t-elle raison des sentiments ?La Pitié dangereuse est le premier roman écrit par Stefan Zweig. Son style annonce déjà la complexité émotionnelle des sentiments, un labyrinthe d’ambiguïtés humaines entrelacées dans l'intimité des confusions sociales. 1913, le glas annonciateur de sombres présages va résonner dans les villes et les villages. L'Europe se prépare à l'irréparable, La Grande Guerre est imminente. L'Autriche est contrainte de s'organiser. Monsieur Kekesalva a su profiter des opportunités à s'enrichir sans scrupule. Le jeune officier de cavalerie Hofmiller entraine son cheval aux rudiments militaires. L'homme d'affaires a perdu son épouse, sa fille est hémiplégique. Anton a choisi de rentrer dans le rang à cause de sa tante qui n'avait d'yeux que pour les officiers de cavalerie. L'étrangeté de ces destins n'aurait jamais du se croiser.Elodie Menant a adapté le texte de l'auteur de façon à ne pas bouleverser l'intensité originale. Avec des mots simples et consorts, l'enchevêtrement des situations se fluidifient malgré les conséquences à venir. Le sentiment d'amour éprouvé par Edith pour Anton ne se fige pas à l'inertie concentrée autour de sa maladie. Le lieutenant n'est pas aveugle à cet épanchement affectif. Pour preuve, les visites répétées tous les soirs. L'immobilisme s'accentue davantage avec la présence du médecin, Condor. Personnage atrabilaire et peut-être sensiblement jaloux de la relation fusionnelle partagée entre la jeune femme et l'officier.L'adaptation d'Elodie Menant n'est pas détournée et se retrouve lecture faite du roman de l'auteur éponyme. Le décor s'articule autour du fauteuil roulant d'Edith et d'une console à usage des parties d'échec et du thé servi dans une porcelaine sobre et élégante. La musique crée des interfaces selon les mises en situation et s'invite en son et lumière sur le catafalque des séquences de trouble manifestées par Edith. Les transitions musicales s'entrouvrent sur le défilé des contradictions distinguant les apparences extérieures des limites de la pitié. La mise en scène de Stéphane Olivié Bisson veille à la lisibilité des modes fonctionnels humains. Une mécanique articulée autour de l'amour contraint à l'insurmontable, voire à l'insupportable. La pitié est exprimée sans l'être dans le jeu des répliques. Les regards suffisent à eux-mêmes. D'où l'intelligence de cette brillante adaptation conjuguée à une mise en scène de qualité.Jean-charles Rieznikoff interprète Monsieur Kekesalva avec la détermination de l'homme d'affaires et le côté bon père de famille soucieux et protecteur. Une présence manifeste car Jean-Charles Rieznikoff est de ces grands comédiens qui laissent l'empreinte de leur talent sur scène, même la lumière éteinte.Le lieutenant Anton Hofmiller est incarné par Arnaud Denissel. Dans cette pièce, l'artiste est généreux, ténébreux, désinvolte et embarrassé. Il joue le personnage avec le sentiment bigarré de tendresse et de tristesse. Une belle prestation. Elodie Menant, douée pour l'adaptation du texte in situ, glisse dans le personnage d'Edith avec un réalisme déconcertant. Elle s'accroche avec autant de fermeté aux béquilles qu'à l'amour ressenti pour Anton. Une façon de se rassurer car il est des chutes dont il est difficile de se relever. L'il éperdu d'Edith brille avec délicatesse dans le regard d'Elodie.David Salles joue le médecin Condor avec la sévérité exigée pour ce rôle. Fidèle et attaché aux valeurs de l'exercice du praticien, il n'est pas pour autant convaincu des soins prodigués à Edith. Il feint une amélioration physique de l'état de la jeune femme afin de ne pas contrarier ce père culpabilisant. Un rôle difficile et joué d'aise par ce bon comédien.Que dire des passages d'Alice Pehlivanyan interprétant la cousine Ilona. Des interventions touchantes de sincérité et de tendresse à l'égard d'Edith. Si elle avait pu se sacrifier sur l'autel de la maladie, elle serait bien glissée sur le fauteuil à roulettes. Ses yeux ne sont pas embués aux visites régulières du lieutenant, elle l'observe en silence. Alice, une très jolie comédienne attachante et profondément humaine.La Pitié dangereuse, tout un chacun pourra se reconnaitre au travers des personnages évoluant dans la pièce. Une pièce de belle facture sur la scène du théâtre rouge au Lucernaire.
Philippe Delhumeau
16/06/2012
PARIS
Lucernaire
Mise en scène de GÉrard Rauber
Ce spectacle musical, orchestré par le génial metteur en scène Gérard Rauber, réunit un quatuor de talents exceptionnels pour nous emporter dans un voyage époustouflant à travers l’univers de Jean-Sébastien Bach ou en rapport à son œuvre comme cet étonnant et pétillant « 12345 »...
L'avis de Yves-Alexandre Julien
Lucernaire
PARIS
"Come Bach" : Un quatuor virtuose qui réinvente les classiques
de Gérard RauberMise en scène de GÉrard Rauber
Ce spectacle musical, orchestré par le génial metteur en scène Gérard Rauber, réunit un quatuor de talents exceptionnels pour nous emporter dans un voyage époustouflant à travers l’univers de Jean-Sébastien Bach ou en rapport à son œuvre comme cet étonnant et pétillant « 12345 »...
L'avis de Yves-Alexandre Julien