Un jour qu’il était là, car il était toujours las, Cyril observait le néant. Ce n’est pas qu’il eut peur de tomber. Ni même qu’il y pensât. Sans doute, le néant l’eût effrayé s’il l’eût seulement reconnu. Il ne pleuvait pas. Il n’y avait pas de travaux dans la rue adjacente. Pas d’évier qui goutte. Pas de poêle sur le feu, ni de chaussettes sales à ramasser. Il ne se passait, pour ainsi dire, rien. C’est dans cette étrange négation qu’entre en scène la Vie et son cortège des formes. Céline boit, mange, dort et se dandine. Elle ne veut pas comprendre l’absence. La lutte peut donc commencer qui est l’origine de tout. Celle qui oppose la vie à l’absence de vie, le mouvement à l’inertie. Et alors, quoi ? "Monsieur, rien ne va plus !"
Lorsque s'est posée la question de mettre en place ce texte que j'avais écrit, ma première crainte a été de tourner ma comédie au mélodrame. Comme pour Iphis et Iante, notre dernier projet, il fallait montrer le tragique des situations et des personnages, précisément en affirmant leur ridicule, leur comique. Notre héros, assez nettement inspiré des personnages de Büchner, s'ennuie et n'agit que pour combler le vide de son existence. Ce n'est pas un personnage qui attirera facilement l'affection du spectateur car il ne souhaite pas les divertir. Il faudra donc qu'il mette toute son énergie à retenir leur attention. Parallèlement, Céline semble sortir tout droit d'une pièce de Goldoni. Elle est vivante et agit selon ses instincts. Il s'agit d'un combat civilisé, le spectateur doit se réjouir des coups, des blessures et en arriver à vouloir encourager l'un ou l'autre des personnages. Pour garder cette tension, ce suspens, il me fallait une mise en scène active et énergique. L'idée de monter la pièce à la Strehler est venue tout naturellement. Les comédiens sont sur scène en permanence et observent le déroulement de la pièce. Parfois ils pourront commenter, s'indigner, s'ennuyer… Ils seront un divertissement supplémentaire dont la discrétion devra toutefois être contrôlée afin d'éviter les parasites. Comme à mon habitude, je n'ai pas voulu de décors flamboyants ni d'accessoires pratiques. La scène ne nécessite qu'une table et quelques chaises, j'ai souhaité m'en tenir là. L'autre point clef reste le problème de communication entre les personnages. J'ai accentué au maximum cette incompréhension en appuyant sur ses effets. Les suites de quiproquos, jeux de mots et autres situations affirment l'incapacité des êtres à communiquer. La perception d'un même mot varie tant et si bien entre les personnes que quiconque souhaite faire une phrase se retrouve dans l'impasse de l'illimité. Langage du corps, des signes ou de certains arts martiaux ainsi que langues étrangères délieront les langues et les corps dans un ballet de non-sens et de nonrecevoir. A voir tous les dimanches à 19h30, du 7 janvier au 1er avril 2007, au Théâtre l’ARTicle, à Paris (Réservations : 01 42 78 38 64).
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