Ouvrez la parenthèse. 3 heures du matin au bar "Le Mimosa". Derrière le zinc, Franck est seul. Il boit. Il range. Débarque Anne. Seule. Elle veut boire. Elle dérange. A force de poser des questions, Anne laisse planer le mystère. Sur ses intentions, sur son identité. Franck fait face, ne se laisse pas manipuler et ne veux pas comprendre. La pluie est drue dehors. Le malaise et l’incommunicabilité sont rudes à l’intérieur. Entre celle qu’on n’attend pas et celui qui n’attend plus rien, le petit jeu du chat et de la souris réveille des blessures mal cicatrisées, met à jour de vieux traumatismes. Si la vérité peut être belle, elle est souvent douloureuse... Dans une sorte de puzzle psychologique, deux histoires parallèles se reconstituent en temps réel, via l’Afrique, une terre d’asile non moins mentale que physique. Parfois drôle, souvent émouvant, du théâtre d’atmosphère, réaliste et intimiste. Un voyage intérieur, loin de tout exotisme. Une rencontre houleuse, pleine de sous entendus, de pistes et de fausses pistes, de marche avant, de reculades mais une rencontre malgré tout, révélée dans une succession de longs plans séquences.
Oui, une rencontre. Avec des personnages. Avec des comédiens. Une rencontre avec l’Afrique et son imaginaire. Une envie également. Celle de raconter un destin. Une vie ratée pour l’un. Un rendez-vous manqué pour l’autre. Une pièce de théâtre pleine de tendresse, de colères et d’humanité. Fermez la parenthèse.
Le vieux blasé ruminant sa vie bousculée par la jeune chieuse de service. Ou si on préfère, un homme sur le retour qui croise une femme ayant l’âge d’être sa fille. L’histoire est banale, ambiguë mais dévoilée avec pudeur et passion. Un canevas ultra classique, porté avec justesse, férocité et délicatesse. Le roman à tiroirs d’une commode qu’on aurait un peu trop bousculée au cours d’un déménagement. Pas d’effets de manches, pas d’abstraction stylistique, pas de tape à l’œil mais une sobriété maximale. En clair, ne pas tricher. S’en tenir aux fondamentaux. Le huis-clos est oppressant mais sans pathétique appuyé. La parenthèse du Mimosa oppose au fait sociologique de la famille recomposée la réalité douloureuse des familles décomposées. Le sujet de la pièce, aux résonances très fortes pour nombre d’entre nous, réclame beaucoup de cœur et de sincérité. Je ne veux pas ignorer ceux pour qui ce moment de vie n’est pas du théâtre. Tous ces gens qui ne supporteraient pas de voir un exercice de style, une autosatisfaction de jeu et d’écriture. La parenthèse du Mimosa est un texte abordé, conçu et travaillé à la seule destination des comédiens, dans le sens où le but de l’auteur est de s’effacer derrière son récit ; plus précisément de mettre en exergue la vérité intime de deux personnages, pas de glorifier sa science des mots et de la dramaturgie théâtrale. Tout comme l’enjeu, pour le metteur en scène, sera à mes yeux de s’appuyer sur ses comédiens, sur ce qu’ils sont et non pas ce qu’ils pourraient être. Interdiction morale, donc, de se faire une idée à-priori du jeu ; l’essentiel est de créer une ambiance émotionnelle que les futurs acteurs devront s’approprier. A ce moment là, les expériences personnelles et fictionnelles se mêleront et la pièce éclatera dans toute son authenticité. Et puis, il y a l’Afrique. Omniprésente. L’Afrique noire et francophone. Elle transpire ici son histoire, sa force immémoriale, son identité viscérale. Lointaine, joyeuse, suintante, mordorée, malmenée... Terre d’asile et d’exil pour les occidentaux en mal d’exotisme en tout genre ; en mal d’être surtout. L’Afrique du fantasme ? Abstraite et charnelle à la fois. A l’opposé des récentes envolées présidentielles. L’homme africain ? Mais c’est l’âme africaine qui est entrée de pleins pieds dans l’histoire. Dans mon histoire. Celle ouverte par cette parenthèse et qui n’est pas prête de se refermer.
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