Elmiane et Lyvon vivent reclus depuis 40 ans. Ils sont accusés d'avoir tué leur frère et de ne pas avoir déclaré sa mort pour continuer de toucher sa pension d'invalidité. Ton : réaliste, poétique et tragique.
Ecrite en octobre 1983 à la suite d'un fait divers réel, laissée en sommeil et "revisitée" par ma plume en août 2005, le questionnement de cette pièce est relancé par un fait divers (un bébé remis à ses parents, après maltraitance, à nouveau entre la vie et la mort pour les mêmes raisons) : en effet, si ce nourrisson venait à mourir, pourrait-on affirmer, sans scrupules, que son décès ne tiendrait pas, en un sens, du "crime collectif" ? Voici le commentaire du TJP-CDN de Strasbourg/Direction Laurent Contamin: Lyvon et Elmiane ont commis un crime ; celui de Moult, leur frère aîné. Ils ne se sont pas contentés de le tuer mais ils ont caché cet acte pour toucher la pension de la victime. Ils ont en eux une urgence ; celle de se raconter, de se justifier. Lyvon semble ne plus vivre dans le monde réel. Il erre dans un univers qui flirte dangereusement avec la folie. Il se prend tour à tour pour tous les personnages dont il parle à sa sœur : le facteur, l’inspecteur de police, le présentateur de télé. Il crève les yeux des peluches avec lesquelles il joue et s’adresse à sa sœur comme s’il était étranger à toute leur histoire. Elmiane reste très posée, méthodique, consciente de son acte. Elle tente de remettre Lyvon en face de la réalité de leur acte mais en vain. Elle revit les scènes froidement même celles où l’on apprend ce qui l’a poussée à commettre ce meurtre : son viol et les tortures que ses parents lui ont infligées. Les personnages mettent toujours leur histoire en parallèle avec d’autres tout aussi horribles. Ainsi, les faits divers nomment de la manière la plus floue et la plus indifférente toutes les histoires qui nous terrorisent... Elmiane se reconnaît dans la petite fille martyre d’un autre fais divers, une sœur en quelque sorte : ce sont les petites filles de l’aube... Les personnages ne se nomment Lyvon et Elmiane, pas tout à fait Yvon et Eliane ; peut être parce que l’histoire n’est pas entièrement vraie ou qu’ils ne sont pas tout à fait humains... Ils racontent leur histoire dans une langue crue, directe, tranchante, sanscompassion. Leur analyse est claire : les mots sont simples et compréhensibles par tous. Ils portent un jugement lucide sur la société qui les a abandonnés à des parents tortionnaires et fous, qui les a laissés dans l’indifférence et le dégoût devenir les tortionnaires et les assassins de leur frère. Les parallèles tracées avec d’autres faits divers soulignent la persistance de la misère et l’éternel recommencement de l’horreur engendré par une société qui ne veut pas prendre soin de ses enfants. L’auteur pose la question de la responsabilité partagée des criminels et de la société. Peut-on justifier et même excuser les crimes des personnages par la folie de Lyvon ou les tortures passées d’Elmiane ? La société est-elle responsable de ne pas avoir rendu justice pour des actes irréparables commis dans le passé ? Une écriture percutante, violente et poétique.
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